Hommage à Manfred Moeller

 

Un autre très grand nom de la toxicologie vient de nous quitter.

Manfred Moeller s’est éteint à l’automne, chez lui à Homburg, en Sarre (Allemagne), à quelques km de la frontière française. Il allait avoir 83 ans.

Manfred Moeller a commencé sa carrière en 1969 en travaillant comme toxicologue à l’Institut de médecine légale de Homburg. Son activité s’est développée en parallèle de celle d’un autre grand scientifique, le Prof Hans Maurer. Ils ont formé pendant des années un duo exceptionnel, l’un spécialiste du post mortem, l’autre de l’analyse toxicologique et de la toxicologie hospitalière.

Le Prof Moeller avait 2 domaines d’excellence : la sécurité routière à travers les effets de l’alcool, des médicaments et des stupéfiants sur la conduite automobile et l’analyse des cheveux.

Manfred Moeller était le représentant allemand du projet ROSITA, initié par le Prof Alain Verstraete (Gand, Belgique), qui avait pour but de mieux pouvoir caractériser, au bord de la route, une conduite sous influence, en particulier par un prélèvement salivaire. Je me rappelle encore avec émotion avoir participé à une action de la police germanique organisée avec Manfred qui visait à stopper les conducteurs sortant de boîtes de nuit avec un déploiement incroyable des forces de l’ordre en impliquant des véhicules blindés de type chars légers … C’était certainement ce que l’on appelle l’efficacité allemande … Le Prof Moeller avait compris très tôt que le succès et le volume des contrôles biologiques allait de paire avec une formation des forces de l’ordre par les toxicologues. Il en était le pionnier !

Mais c’est dans le domaine de l’analyse des cheveux que le Prof Manfred Moeller atteindra la reconnaissance internationale. Acteur incontournable de ce domaine, il participera, avec d’autres dont Hans Sachs, Robert Wennig, Christian Staub et Carmen Jurado, à la création en 1995, à Strasbourg, de la SoHT, la Society of HairTesting. Manfred a été le premier, en 1992, a montré que l’analyte majeur dans les cheveux de consommateurs de cocaïne était la molécule mère elle-même (J Anal Toxicol, 1992, 16, 291-296). A l’époque,cela semblait impensable car la théorie disait que la benzoylecgonine, avec sa durée de vie dans le sang bien plus longue que celle de la cocaïne, devait être la molécule principale. Quelques mois plus tard, les Américains publiaient la même chose pour la 6-acétylmorphine et la morphine.

A titre personnel, je retiendrai surtout que c’est lors du congrès LuxTox, en 1990, que le Prof Robert Wennigm’a présenté Manfred. Celui-ci venait de faire une conférence sur l’analyse des drogues dans les cheveux et m’a dit, dans la langue de Goethe : Pascal, s’il y a un sujet à travailler et à publier pour devenir un nom dans la toxicologie, c’est l’analyse des cheveux … Fais-le, développe des tests, pratique des analyses, les cheveux c’est l’avenir incroyable de la toxicologie judiciaire. On connaît la suite et à tout jamais, je reste redevable à celui qui est devenu, au fil des années, un ami et un mentor.

Notre proximité géographique, Homburg est à 75 min de Strasbourg, notre complicité européenne face à certains dictats américains sur le problème de la contamination, son sens des bonnes affaires et son goût pour la cuisine française ont permis de tisser des liens d’amitié sincère.

De ce fait, Manfred est venu parfois aux  congrès annuels de la SFTA et en a été fait membre d’honneur. Il avait une grande activité internationale et participait régulièrement aux congrès du TIAFT, dont il a été membre du board, de la SOFT et de la SoHT. Il a été Président de la GTFCh, le pendant allemand de la SFTA, de 1987 à 1997 et a reçu de nombreux prix, dont l’Alan Curry Award du TIAFT en 1999.

Comme le disait Hans Maurer dans le dernier Bulletin du TIAFT, en Manfred Moeller nous perdons un autretoxicologue, renommé et respecté, tant pour ses qualités scientifiques qu’humaines. Manfred, mon ami, tes conseils me manquent déjà. 

Pascal Kintz